Le français en Russie, sous le règne de Catherine II

Sous le règne de Catherine II de Russie (1762-1796), le français joua un rôle central dans la vie intellectuelle et politique de l’empire. Grande admiratrice des philosophes des Lumières, la tsarine utilisait le français non seulement comme langue de correspondance, mais aussi comme outil de réforme culturelle et éducative. Elle entretenait des échanges épistolaires en français avec des figures majeures comme Voltaire, qu’elle appelait son "maître à penser", et Diderot, qu’elle invita à sa cour, et avec qui elle discuta de divers sujets philosophiques et politiques. Ces échanges témoignaient de son engagement pour la diffusion des idées éclairées en Russie.

Catherine II initia également de nombreuses traductions d’œuvres françaises afin de promouvoir ces idées auprès de son peuple. Parmi les textes traduits figurent des œuvres de Montesquieu, comme par exemple De l’esprit des lois, qui inspirèrent ses propres réflexions sur le gouvernement et la justice. Elle fit également adapter des pièces de théâtre françaises, telles que celles de Molière ou encore de Voltaire, pour les rendre accessibles au public russe. Ces initiatives s’inscrivaient dans son projet de modernisation culturelle, visant à aligner la Russie sur les standards européens tout en affirmant son rôle sur la scène internationale.

À la cour impériale, le français devint la langue prédominante, non seulement dans les salons littéraires et les cercles aristocratiques, mais aussi dans les documents officiels et la correspondance diplomatique. La noblesse russe, suivant l’exemple de la tsarine, adopta le français comme marqueur de raffinement et de prestige. Cet usage du français dépassait largement les frontières de la cour : il s’étendait aussi aux académies, aux écoles et même à l’armée, où les manuels et les instructions militaires étaient souvent rédigés en français.

En choisissant de privilégier le français, Catherine II a pu renforcer le lien culturel entre la Russie et l’Europe occidentale, tout en consolidant son image de souveraine éclairée. Cette adoption de la langue et de la culture françaises illustre la manière dont elle a utilisé les outils culturels pour projeter la puissance de la Russie sur la scène internationale.